(par Sophie Rebibo Halimi, Traductrice et Adaptatrice)
Avez-vous remarqué que les textes et vidéos d’organisations (commerciales ou pas) qui proposent des solutions visant à construire ce qu’on appelle maintenant « le monde de demain » adoptent souvent un style un peu lyrique, surtout quand il s’agit de présenter des projets en rapport avec le développement durable, les technologies du futur qui promettent un monde meilleur, l’égalité des droits et des sexes, ou la réduction voire l’élimination de la faim dans le monde ? On propose de révolutionner la vie sur notre planète par le biais de l’intelligence artificielle, de l’antigaspi, ou de manière plus générique la fameuse « prise de conscience ».
Volontaire ou pas, cliché ou pas, ce style lyrique utilisé par un grand nombre a fait ses preuves.
Dans les vidéos enregistrées à partir de ces textes, on y accole même parfois des musiques d’ambiance qui viennent renforcer l’objectif de toucher la corde sensible des auditeurs, en cherchant à emporter le cœur, alors même que les mots qui activent l’esprit ont normalement déjà fait une bonne partie du travail.
Ces sujets nous concernent tous aujourd’hui, pourtant nous n’agissons pas forcément en conséquence, car nous n’en avons pas toujours une connaissance égale ni souvent très éclairée. Attention, transition humoristique avec les 6 prochains mots du paragraphe suivant…
On pourrait vendre un lot d’ampoules ( ! ) comme on vend l’idée d’une société de consommation durable, mais on ne le fait pas car on ne cherche pas toujours l’immédiateté de la vente d’un produit ou service quand on présente une organisation œuvrant dans le secteur mentionné ci-dessus. On cherche d’abord à présenter l’idée, inviter à une démarche de réflexion du lecteur, l’inciter à creuser le sujet plus avant. Dans la consommation durable, la protection de la planète ou la défense de la dignité humaine, le produit vendu ou le service rendu s’inscrit dans une démarche plus large et qui dépasse le seul produit ou service en soi.
Le texte qui est écrit, et la traduction qui en découle, doivent savoir respecter cette démarche aussi, et participer au projet pleinement.
L’idée s’appuie sur les mots pour la diriger et ainsi aider à sa diffusion la plus large et efficace.
Les rédacteurs s’exprimant de façon lyrique sont avides de rimes et de phrases qui s’enchainent dans un certain rythme, qui mettent l’accent sur des répétitions de mots-clés ou d’idées chocs. Le traducteur doit relever le défi de transposer ce texte dans une autre langue en respectant au maximum ces prérequis, sachant que tout ne sera alors pas transposable de manière stricte.
En effet, d’une langue à l’autre on ne retrouve pas toujours les mêmes possibilités de rimes par exemple.
Le traducteur qui transpose va devoir en réalité aussi adapter son texte et le traduire en « l’enrichissant de façon sobre et subtile ». Il ne devra pas le transformer, mais aura en quelque sorte l’obligation de lui rendre néanmoins la force qu’une simple traduction littérale aurait pu lui enlever. Il en va de même pour le rythme et les répétitions. Le traducteur doit savoir les repérer et les transposer à bon escient. Il est même recommandé de simuler la viabilité de cette transposition en se relisant à voix haute, pour anticiper le travail de la Voix-Off qui enregistra ensuite le texte. Une excellente traduction en amont donnera toujours plus de corps à la Voix au micro… et un peu plus d’âme encore à l’idée… qui pourra s’envoler (lyrique… !).
Willy dit
Bon article Sophie! Je confirme pour l’adaptation du texte au lieu d’une simple traduction. Je suis en plein dedans avec mon site concerty.com dans la musique en 20 langues 😉